Nature, formes et impacts de l'exposition à un événement potentiellement traumatique
L’exposition à un événement potentiellement traumatique en milieu de travail se définit comme “ Un événement présentant une menace à la vie ou à l’intégrité physique ou psychologique de la personne ” (CNESST). Par exemple, des menaces de mort, de la violence sexuelle ou un décès constituent des événements potentiellement traumatiques.
L’exposition à un événement potentiellement traumatique peut être vécue de différentes façons, selon le contexte du travail et de l’événement en tant que tel. Par exemple, l’exposition peut être directe : être victime de l’événement ou être témoin de l’événement, ou indirecte : apprendre qu’un proche a été exposé à un événement potentiellement traumatique ou être exposé de manière répétée à des détails d’un événement potentiellement traumatique.
Lorsqu’un incident survient, il est essentiel que la direction et les ressources humaines puissent intervenir rapidement afin de stabiliser la personne touchée. Cette réponse immédiate repose sur trois principes simples : assurer la sécurité, offrir une présence rassurante et favoriser une écoute active. Un incident peut raviver un traumatisme chez une personne ; il est donc essentiel d’en être conscient à chaque étape du processus d’intervention.
L'état de stress post-traumatique : une réaction normale à une situation anormale
Un événement critique peut déclencher une multitude d’émotions et de réactions, parfois très intenses et différentes d’une personne à l’autre. Chaque personne possède ses propres mécanismes d’adaptation, mais la littérature scientifique s’entend sur trois grandes réponses possibles face au stress : la fuite, le combat ou l’immobilisation.
Une telle épreuve peut provoquer de la peur, un sentiment de panique difficile à contrôler, de la tristesse, de l’irritabilité ou de la colère. Il arrive aussi que certaines personnes se sentent désorganisées ou plongées dans un état dépressif. D’autres auront tendance à se retirer et à s’isoler à la suite de l’incident. Des sentiments d’impuissance, de culpabilité ou de confusion peuvent aussi apparaître. Il est fréquent de se sentir vulnérable ou anxieux à la suite de ce type de choc.
Certaines personnes réagissent par le déni et refuseront d’admettre la réalité de ce qui est arrivé, alors que d’autres auront des pensées ou images obsessionnelles reliées à l’événement. Finalement, des difficultés de concentration ou une réduction de la capacité d’attention peuvent se manifester dans les jours ou semaines qui suivent.
Au niveau comportemental, l’événement peut amener une hyperactivité ou une agitation inhabituelle. Certaines personnes auront tendance à éviter les lieux de l’événement ou à fuir les circonstances qui leur rappellent l’incident. Certains verront leurs habitudes impactées, comme une perte d’appétit ou l’apparition de troubles du sommeil. On pourrait également observer chez certains, une augmentation de la consommation de tabac ou d’alcool.
Sur le plan physique, les réactions peuvent être tout aussi importantes. Des maux de cœur ou de tête, des douleurs musculaires ou des troubles digestifs peuvent survenir. Des tremblements, sueurs, frissons, difficultés respiratoires, souvent liées à l’anxiété, peuvent également se manifester. Chez certaines personnes, on peut même noter une augmentation de la pression artérielle ou une irrégularité du rythme cardiaque.
Enfin, les répercussions sociales ne sont pas à négliger. Un choc important peut temporairement modifier les relations, mener à un repli sur soi, augmenter l’impatience et réduire la tolérance envers les proches. Cela peut rendre les interactions sociales difficiles pendant un certain moment suivant l’événement.
Ce qu’il faut retenir, c’est que toutes ces réactions et émotions sont normales et valides. Elles représentent des réponses humaines à une situation déstabilisante et méritent d’être reconnues et accueillies. Même l’absence de réaction est considérée comme une manière valide de traverser un moment aussi bouleversant.
Intervenir en situation de crise : un repère pour les RH
Lorsqu’une personne vient d’être exposée à une situation critique, une intervention structurée peut limiter l’intensité des réactions de stress et prévenir l’aggravation des symptômes. Un « plan de crise émotionnelle » peut guider les RH ou la direction dans cette démarche.
- Accueillir et sécuriser :
La première étape consiste à offrir un cadre sécurisant. Une présence calme, posée et non menaçante aide la personne à retrouver un minimum de stabilité. Il s’agit de rester physiquement présent, d’éviter les gestes brusques et de valider les émotions exprimées sans jugement. L’écoute active est essentielle : contact visuel, posture ouverte, reformulation douce. Il est également important de laisser la place au silence, de ne pas forcer la personne à parler. Il est important de comprendre que, dans les heures suivant l’événement, la personne peut encore être sous l’effet de l’adrénaline, ce qui rend difficile l’évaluation réelle de son état ; un suivi dans les jours suivants devient donc essentiel.
- Offrir un soutien émotionnel immédiat :
Une fois la sécurité assurée, des techniques simples peuvent aider à diminuer l’activation physiologique engendrée par l’événement : respiration lente, sensations des pieds au sol, ancrage via les sens ou le toucher d’un objet. Si la personne le souhaite, on peut l’encourager à verbaliser ses pensées ou sensations. Il est aussi utile de réduire les stimuli environnants comme le bruit, les mouvements et l’éclairage, afin de créer un espace propice à l’apaisement.
- Structurer et orienter :
Lorsque la personne reprend un certain contrôle, il est aidant d’offrir des repères. Expliquer calmement les étapes, transmettre des informations simples et factuelles, puis identifier les besoins immédiats permet de réduire la confusion et la détresse.
- Assurer un suivi post-crise :
L’accompagnement ne se termine pas une fois que la personne est stabilisée. L’encourager à rester entourée, proposer un contact avec le programme d’aide aux employés ou un professionnel de la santé et rester attentif à l’apparition de réactions persistantes (cauchemars, anxiété intense, isolement prolongé…) constitue une continuité essentielle du soutien apporté.
- Prévenir le traumatisme prolongé :
Enfin, il peut être pertinent de rappeler à la personne ses forces et ressources internes en se basant sur des expériences passées où elle a montré de la résilience. De plus, il est important de prioriser un retour progressif aux routines quotidiennes et, lorsqu’un groupe de travailleurs a été touché, de proposer un retour collectif afin de soutenir la cohésion et le partage d’expériences.
Durée des réactions
Les réactions de stress après un événement tragique sont normalement passagères.
Celles-ci s’atténuent graduellement, puis disparaissent au bout d’un moment. La durée des symptômes peut varier selon la personne et le contexte, allant jusqu’à 12 semaines.
Si la réaction persiste plus d’un mois, il devient alors primordial d’aller consulter.
S'aider soi-même : accélérer la disparition des réactions de stress dues à l'événement
Après un événement critique, il est possible d’accélérer la disparition des réactions de stress en adoptant quelques gestes simples, mais importants.
Pour commencer, parler de ce que l’on ressent avec des collègues ou des proches permet souvent d’alléger le poids émotionnel ; échanger avec des personnes qui ont aussi été touchées par l’événement peut également offrir un sentiment de compréhension. De plus, il est préférable de ne pas demeurer isolé et de s’entourer de gens avec qui l’on se sent à l’aise, qui sont au courant de la situation et qui peuvent offrir une présence rassurante. L’acceptation joue également un rôle essentiel : reconnaître que les émotions qui nous habitent sont normales et valides facilite le processus de rétablissement.
Ensuite, se recentrer sur des activités positives contribue aussi à réduire la tension. Se distraire en pratiquant des loisirs que l’on aime ou en misant sur des moyens sains pour se détendre peut aider à retrouver un certain équilibre émotionnel. Dans les jours qui suivent un événement potentiellement traumatique, il est conseillé de limiter les sources de stress supplémentaires et d’éviter d’augmenter sa consommation d’alcool ou de drogues, puisque cela risque d’amplifier les symptômes ou de masquer temporairement les émotions qui doivent plutôt être reconnues.
Il est important d’être indulgent envers soi-même, de respecter son rythme et de se donner le temps nécessaire pour récupérer, tout en tentant de reprendre progressivement certaines activités quotidiennes comme le travail, l’entraînement ou les passe-temps.
Enfin, si un programme d’aide aux employés est offert, il ne faut pas hésiter à y avoir recours. Ces services sont spécifiquement conçus pour accompagner les personnes touchées par un événement critique et leur offrir un soutien adapté à leurs besoins.
Le soutien des proches
Le soutien de l’entourage et des proches joue un rôle essentiel en tant que facteur d’adaptation pour réduire les effets du stress post-traumatique. Pour accompagner quelqu’un qui traverse une telle période, il est important d’éviter toute forme de jugement ou de critique, puisque chaque personne réagit différemment à un événement difficile. Il est également préférable de ne pas minimiser ce qu’elle a vécu, même si cela peut sembler moins grave d’un point de vue extérieur. La présence, la patience et le respect des limites et des besoins de la personne sont des éléments clés. Il est aussi important de ne pas prendre personnel ses réactions ; la colère, la tristesse et les autres émotions exprimées ne sont pas dirigées contre l’entourage, mais sont plutôt des manifestations du choc vécu.
Quelques phrases clés à utiliser pour soutenir la personne
- « Je suis là… »
- « Je ne te laisserai pas tomber. »
- « As-tu envie de me voir aujourd’hui ? »
- « Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? »
- « Ce qui t’arrive me touche… »
- « Tu as le droit de… » (avoir de la peine, être fâché…)
À retenir
L’élément le plus important est de demeurer à l’écoute de la personne : ce qu’elle exprime, ce qu’elle ressent et ce qu’elle vit. La sécurité, la présence et l’écoute sont les piliers d’un soutien adéquat auprès d’une personne ayant vécu un événement potentiellement traumatique.
Les réactions à la suite d’un événement peuvent persister de quelques jours à quelques semaines, mais elles tendent généralement à diminuer en fréquence et en intensité. Lorsque ces réactions se maintiennent au-delà d’un mois, il est fortement recommandé de consulter un professionnel en santé psychologique.
Au-delà des approches thérapeutiques plus conventionnelles, la recherche a beaucoup évolué au cours des dernières années. De nouvelles approches prometteuses se sont développées, telles que l’EMDR, la technique de reconsolidation développée par le Dr Brunet, le neurofeedback ou l’IMO, qui suscitent un intérêt croissant dans le traitement des troubles liés aux traumatismes.
Pour approfondir la réflexion, Dre Pascale Brion, psychologue et directrice de l’Institut Alpha, a publié plusieurs ouvrages de référence sur le sujet : Comment aider les victimes souffrant de stress post-traumatique (à l’intention des intervenants), Se relever d’un traumatisme (à l’intention des personnes touchées), Quand la mort est traumatique (pour les personnes endeuillées) ainsi que Entretenir ma vitalité d’aidant (à l’intention des soignants). Ces ouvrages offrent une vulgarisation claire et accessible des principaux enjeux liés au stress post-traumatique.